Entre la vénérable maison Disney et DreamWorks, le premier vrai studio créé depuis l'âge d'or des années 30, fondé par Steven Spielberg, David Geffen et Jeffrey Katzenberg, la compétition fait rage sur le terrain de l'animation. En fait de compétition, ce serait plutôt la guerre. Et on se rend coup pour coup. Pour des millions de dollars, on avance les dates de sortie, on se pique les idées et on joue les vierges effarouchée quand il s'agit de rendre des comptes. Vu d'ici, tout ce cirque est plutôt marrant et même positif puisqu'au final, sur l'écran, cet affrontement débouche sur des films très réussis. Alors que "Fourmiz" et "A Bug's Life" en décousent sur le ring de l'animation par ordinateur, Mulan, la belle chinoise de chez Disney, se voit contrainte de prendre les armes contre Moïse et son Dieu vengeur, rien moins, pour l'honneur du dessin animé traditionnel...
Pas de surprise au niveau de l'histoire: "Le prince d'Égypte" nous narre l'épopée de Moïse, sauveur des hébreux après avoir été élevé comme le propre frère de celui qui opprime son peuple d'origine, Ramsès, le grand pharaon.
Mais "Le prince..." n'est pas un dessin animé ordinaire. Moins enfantin, plus grave, il n'a pas peur de ne laisser que peu de place à l'humour, qui est pourtant une incontournable loi du genre. Servi par une animation extraordinaire -la scène du rêve, notamment, est à tomber parterre- ce film pousse loin la psychologie des deux principaux protagonistes. Cet affrontement de deux frères que tout finit par opposer malgré leur respect mutuel marque le spectateur d'autant plus profondément qu'il croyait voir un gentil film pour les enfants.
Bien sûr, il y a des moments plus légers, des chansons, et "Le prince..." reste avant tout un film tout public. Mais les brèches ouvertes vers un dessin animé plus adulte laisse entrevoir des lendemains plus que prometteurs. Continuez donc de vous battre avec ce genre d'armes, Messieurs, c'est un plaisir de compter les points!
Au cours d'une discussion entre les trois futurs fondateurs de DreamWorks, J. Katzenberg (ex-patron chez Disney, tiens, tiens...) évoquait les critères qui, selon lui, font la réussite d'un dessin animé, et Spielberg de s'écrier: "Mais c'est comme dans Les Dix Commandements!". C.Q.F.D.
Nicolas Kissling