Ecrit par Jean-Claude Carrière, le scénariste de Bunuel, le nouveau film de Reusser a été tourné en cinémascope et a bénéficié d'un budget confortable, même si le réalisateur s'est plaint de ne pas avoir eu les moyens souhaités pour tourner ses scènes de batailles.
L'action se situe à la fin du XVIIIème siècle, dans la vallée des Ormonts. Les troupes napoléoniennes occupent le pays de Vaud. Les paysans du Haut-Pays, favorables à ces Messieurs de Berne, organisent la résistance aux troupes françaises, alliées des libéraux vaudois. L'action du film se déroule durant la semaine qui précède la chute de Berne. Pris au coeur du conflit, David Aviolat (Yann Trégouët), fils d'un conservateur pur et dur, choisira son camp au péril de son amour pour Julie Bonzon, sa belle rebelle (Marion Cotillard) ....
Reusser a réussi une mise en images somptueuses du roman de Ramuz : blanc aveuglant contrastant avec le clair-obscur, persistance du noir, violence de certaines autres couleurs parmi lesquelles se détache le rouge. Reusser s'est mué en peintre expressionniste pour dépeindre le déchirement d'une communauté et ses conséquences tragiques. Il reste peu de la traditionnelle modération ramuzienne, et c'est tant mieux, car Reusser nous livre ainsi une histoire d'amour émouvante et tragique sur fond historique, un sombre tableau des haines, des passions et du fanatisme (il faut relever la superbe prestation de Laurent Terzieff en pasteur intégriste et illuminé). Roméo et Juliette chez les Ormonans... Et plus encore : comment ne pas interpréter ce récit d'amour et de guerre comme une exhortation à la tolérance ?
Suzanne Déglon