Durée: 2h13
On se souvient de "1984", le fameux roman de George Orwell où le pauvre héros et ses semblables survivent sous l'œil impitoyable de Big Brother. C'est cette inquiétante vision du monde que reprend "Ennemi d'État". Détenant la preuve d'un meurtre politique, Robert Dean (W. Smith), un avocat se retrouve épié, traqué, et pris dans un engrenage terrifiant pour être sans le savoir allé trop loin. Il sera épaulé par un vieux routinier rusé (G. Hackman, toujours impeccable).
Lorsque l'on sait -j'ai mes sources- que le matériel de surveillance déployé dans le film n'est qu'un échantillon de l'arsenal réellement à disposition de la C.I.A., on serait victime d'une petite crise de paranoïa si on se laissait aller.
Tony Scott est ce que l'on nomme un faiseur. Pas un génie du cinéma, non, mais un redoutable professionnel, qui par sa maîtrise technique et quand, comme c'est le cas ici, il est au service d'un bon scénario, signe le film efficace et explosif qu'on attend de lui. Il réussit là une de ses meilleures réalisations. Enfin, il y a le plaisir d'y retrouver Jon Voight, qui compose un de ces rôles troubles dont il a le secret.
Rappeur, acteur de T.V., puis de cinéma, rappeur à nouveau, Will Smith n'est pas un mec ordinaire. À 30 ans, il a déjà acquis à Hollywood un statut de décideur, sans avoir l'air de se prendre au sérieux. Il suffit de le voir dans ses clips vidéo. Il a dans le regard cette lueur amusée qui tranche tant avec ses concurrents, qui bien souvent, manquent cruellement de distance et semblent se prendre pour le nombril d'un monde de grosses voitures et de filles faciles. Lorsqu'on lui demande ce qui lui fait garder les pieds sur terre malgré les disques de platine et les millions d'entrées, hilare, il a cette réponse qui résume le personnage:"Ben, l'attraction terrestre!"...
Le conseil de la semaine pour briller en société:
Dites que vous avez vu "6 degrés de séparation" de Fred Schepisi, qui n'est pas sorti dans nos salles. Will Smith y donne brillamment la réplique à Donald Sutherland dans une satire grinçante de la Jet Set new-yorkaise. Un régal. Glissez discrètement que c'est moi qui vous ai prêté la cassette, merci.
Nicolas Kissling