Rose la vitrine fluo qui nous invite à pénétrer dans l'institut de beauté, temple de l'artifice dirigé par l'élégante Bulle Ogier. Roses les blouses des trois esthéticiennes, rose encore le tailleur Chanel de la patronne, roses sans doute les crèmes de Perlimpinpin qui vous ôteront dix anset dix rides, en un clin d'oeil... Dans ce haut lieu de la retouche et du plâtrage, hommes et femmes viennent prendre un coup de jeune, et s'imaginer que le temps n'a pas prise sur eux. On parle de conquêtes, de victoires, d'abandons, d'espoirs : être aimé, être désiré, plaire, c'est toujours la même rengaine... Le film est porté par ses excellents interprètes, Nathalie Baye et Bulle Ogier en tête, et parsemé d'apparitions de gloires du cinéma français : Robert Hossein, Emmanuelle Riva, Micheline Presle (la mère de la réalisatrice), etc. Une comédie légère, sans prétention, qui a raflé 4 César à la Cérémonie de février 2000.
Ayant pleinement réussi sa réinsertion sociale après sa triomphale prestation à un concours de chiens de berger, Babe peut maintenant se rendre utile à la ferme. Jusqu'au jour où tout s'écroule : le fermier Hoggett est victime d'un malencontreux accident, ne peut plus travailler, les factures s'accumulent, c'est la faillite. Son épouse a alors l'idée de monnayer les talents de Babe en exhibant le petit cochon autodidacte dans la grande ville. Hélas, ni la fermière ni le porcelet n'ont l'habitude des vols de grande ligne, des aéroports, des mégapoles, ... et rien ne se passe comme prévu. Madame Hoggett et son porcinet sont séparés par la foule, et Babe se retrouve dans un home-zoo clandestin où se cachent chats, chiens, singes, canards, tous les exclus de la cité. Babe découvre ce qu'est le sort réservé en ville aux marginaux, à ceux qui, comme lui, ont décidé d'échapper à leur nature ... Comme dans le premier volet des aventures de Babe, on retrouve toute une galerie de personnages délicieusement personnalisés, sans oublier le chur des souris, mais le ton a changé, il est plus grave, voire triste. . On verse quelques larmes attendries pour ces petites bêtes à qui il ne manque même pas la parole !
Le TGV, c'est un bus coloré et cabossé reliant Dakar à Conakry que conduit Rambo Malgré les menaces des rebelles Bijagos qui sèment la terreur dans la brousse, Rambo décide de partir, avec à son bord des passagers qui ne se ressemblent guère : un marabout, une mystérieuse beauté, un chef religieux musulman, un ministre récemment limogé et son épouse, tous deux très bcbg, un malfrat... Un couple de Français charmants, mais un peu inconscients (Ph. Leroy-Beaulieu et B. Giraudeau) va se joindre à eux...Sur une route semée d'embûches et malgré des passagers parfois déjantés et pas toujours très conciliants, Rambo arrive à imposer un certain ordre démocratique et obtenir le concours de tous, surtout quand il s'agit de conjurer les pannes de TGV.... Cette savoureuse galerie de portraits brossés avec humour et finesse reflète les rapports de forces existant aujourd'hui en Afrique. Entre road-movie et comédie satirique, TGV est une métaphore de l'Afrique contemporaine, de ses paradoxes et du nouveau pouvoir des femmes. Un périple plein de drôlerie et de fraîcheur !
CUBE est une uvre qui tient de Kafka comme de TWILIGHT ZONE, une sorte de Rubik's cube plus grand que nature, univers clos et léthal dans lequel se retrouvent six personnes. Qui ne comprennent pas comment elles ont abouti dans ce labyrinthe sans issue. Le criminel en cavale, le policier zêlé et fasciste, la scientifique cherchant une explication forcément rationnelle, l'étudiante en mathématiques introvertie, le nihiliste, le jeune autiste, tous se perdent en conjectures, errent, s'égarent, succombent parfois. Les survivants se retrouvent continuellement dans de nouvelles chambres cubiques truffées de pièges redoutables. Sortir, ils veulent tous s'en sortir. Mais comment sortir du cube ? Et qu'est-ce qui les attend au-dehors ? Quelles que soient les réponses, un fait est certain : le cube semble doté d'intelligence, d'une intelligence maligne, destructrice, terrifiante. Un film de suspense et d'angoisse dont le contenu et l'écriture pleins d'originalité ne manqueront pas de vous fasciner.
Un soir d'hiver, Victor, un petit garçon d'une dizaine d'années, s'enfuit de chez ses parents : un coup de tête, après un coup de ciseaux? Il vient de planter une lame dans le dos de son père pour que cessent les jeux s e x u e l s pervers de ses parents (qui le paient d'ailleurs pour les regarder jouer !). Epouvanté par son geste, l'enfant va cher ses larmes dans la foule d'un fête foraine, et est pris en pitié par Mick, le responsable d'un manège. Le jeune homme l'emmène chez Triche, jeune prostituée dont il est amoureux. Elle accueille le petit fugueur sans lui poser de questions et l'installe chez elle. Entre ces deux personnages blessés par la vie vont se tisser des liens très forts ? Avec cette histoire tragique et tendre, qui se joue en milieu urbain, Sandrine Veysset renoue avec le « réalisme poétique » de son film Y AURA-T-IL DE LA NEIGE A NOEL ? Elle nous conte une tranche de vie intense entre des êtres que rien ne destinait à se rencontrer et nous fait partager la sensibilité de son regard sur l'enfance.
ELIZABETH est un magnifique drame historique raconté de façon moderne. Nous sommes en 1554, l'Angleterre souffre de famine, l'argent manque dans les caisses de l'état et la guerre menace de l'intérieur et aux frontières. La reine Mary (K. Burke) cherche à imposer à nouveau le catholicisme comme religion d'état, et à annuler ainsi la rupture avec Rome voulue par son défunt père, Henri VIII. Pour ce faire, la reine doit neutraliser sa demi-s?ur protestante, Elizabeth, son successeur direct. Mais Mary meurt avant d'avoir pu éliminer de la bâtarde. Elizabeth va s'engager sur le parcours semé d'intrigues, de conspirations, de violence et de trahisons qui la mènera au trône d'Angleterre, qu'elle occupera pendant 40 ans. Beaucoup de sang sera versé. Le film s'achève en 1558, au moment du couronnement, sur un gros plan de la Reine Vierge - masque plâtré et impénétrable - telle que nous la connaissons par son portrait le plus connu. Le film est servi par une pléiade d'acteurs remarquablement dirigés, la magnifique Cate Blanchett qui se transforme d'insouciante jeune fille en souveraine forte et implacable; Geoffrey Rush (SHINE), inquiétant et sombre Sir Francis Walsingham. Et puis il y a les apparitions des Français : Vincent Cassel irrésistible en Duc d'Anjou partouzard, et Fanny Ardant en belle salope (Mary de Guise). Ne manquez pas un dédale de ce labyrinthe de la violence et du s e x e que fut aussi l'histoire d'Angleterre au siècle élisabéthain !
Le film met en scène un jeune fermier des Cévennes, Nicolas, qu'un désastre financier (l'abattage de son bétail à cause de la maladie de la "vache folle") et un drame familial (le suicide de son père surendetté) contraignent à abandonner sa ferme, sa terre, sa vie. De piteuses tentatives d'insertion urbaine le décident cependant à retourner à la terre, dans les hautes et magnifiques solitudes des Causses où l'attendent une belle jeune femme, Maria, et une vie toute simple. Le film répond à la question du titre par un splendide chant d'amour à la terre. Ce qui tombe plutôt bien en cette période de revendications paysannes et fait de C'EST QUOI LA VIE une fiction à message qui prône le retour aux valeurs traditionnelles, à la famille, au travail de la terre. Le film est servi par des acteurs très convaincants et une si belle photo - un cinémascope aux magnifiques tons cuivrés - que tout spectateur normal devrait sentir l'envie de boucler ses valises pour aller faire un tour dans les Causses.
C'est l'été à Berlin. Manni (Moritz Bleibtreu) oublie un cornet contenant 100'000 marks dans le tramway, ce qui va faire les choux d'un SDF qui traîne dans le coin. A lui la belle vie ! Mais que va-t-il advenir de Manni ? L'argent n'était pas le sien. Il appartient à son boss, un petit trafiquant qui lui a donné un délai de 20 minutes pour lui remettre la somme. Et qui a une réputation de tueur. Désespéré, Manni appelle son amie Lola (Franka Potente), qui lui promet de trouver les 100'000 marks - en vingt minutes - et de lui sauver ainsi la vie. Elle se précipite hors de chez elle et se met à courir... A partir de cette hypothèse de base, le film va développer trois variantes possibles de l'histoire, trois sprints, sur un rythme trépidant, sur une musique techno et des dialogues qui semblent tirés tout droit de la vie réelle. Et déboucher chaque fois sur un final différent. Pour agrémenter encore plus le feu d'artifice audiovisuel et accentuer le tempo échevelé de la narration, Tykwer offre des séquences en dessin animé et se sert de la bonne vieille technique du split-screen. Une réussite du jeune cinéma allemand à ne pas manquer !
1957. Les Russes ont envoyé le satellite Spoutnik dans l'espace. Et le monde lève les yeux vers le ciel. A Coalwood, petite ville de West Virginia, une communauté de mineurs dans laquelle on va au charbon de père en fils, Homer Hickam n'a plus qu'un seul désir : construire des fusées et participer à cette fabuleuse aventure qui vient de commencer. Il se met à dévorer les ouvrages scientifiques, et procède, avec quelques copains, à des essais (le plus souvent malheureux) d'envoi d'engins bricolés dans les airs. Ses rêves se heurtent tout d'abord aux moqueries et à l'incompréhension générale de ses camarades, de ses voisins, de ses maîtres, et surtout aux réticences de son père, chef de chantier dans la mine, qui voyait déjà son fils lui succéder. Homer aura-t-il la volonté et la persévérance nécessaires pour se forger un autre destin? Cette histoire étant celle d'un ingénieur de la NASA, vous avez la réponse. Le film recrée admirablement l'atmosphère claustrophobique qui règne dans les tunnels miniers où les résidants de la petite ville passent la majeure partie de leur temps ; les interprètes sont plus vrais que nature et à la vision de l'environnement social et géographique dans lequel l'adolescent grandit, nous ne pouvons qu'admirer sa volonté acharnée d'échapper aux bas-fonds et toucher aux étoiles !
Benoît Poelvoorde, que chacun connaît depuis C'EST ARRIVE PRES DE CHEZ VOUS et LES RANDONNEURS, campe un père de famille pas plus mauvais qu'un autre, même s'il a quelquefois des pulsions de violence. Minable photographe de presse travaillant pour la feuille de chou locale, il est à première vue un personnage inintéressant, un crétin! Oui, mais un crétin capable parfois de tendresse et pas bien méchant. Et ne voilà-t-il pas qu'il se met en tête de voir son nom, par fils interposé, figurer dans le GUINNESS DES RECORDS. Au chapitre "ouverture de porte". Et qu'il se met à entraîner son fils afin qu'il entre dans le fameux livre en ouvrant et fermant une porte plus de 40'000 fois en un jour.... Une histoire belge parfois tendre, surtout drôle et cruelle, un film en noir blanc qui vous livre une tranche de l'absurdité humaine : laissez-vous convoyer !
Western et film noir à la fois, THE HI-LO COUNTRY se déroule au Nouveau Mexique au début de l'ère industrielle qui se développa après la Seconde Guerre Mondiale. Big Boy Matson (formidable W. Harrelson) est un battant, une grande gueule sympathique qui vénère la terre, sa mère, son cheval et les femmes (pas forcément dans cet ordre). Il s'associe à son ami d'enfance, le timide Peter Calder (B. Crudup), pour lutter contre les gros exploitants qui rachètent peu à peu les petits fermiers, détruisant ainsi la formidable communion des cow-boys avec la nature en introduisant des méthodes industrielles dans l'exploitation des ranchs. A ce combat social va s'ajouter un duel entre les deux hommes pour l'amour de la belle Mona (P. Arquette). La parfaite mise en scène de Frears et son excellente direction d'acteurs nous livrent une uvre dramatique ponctuée de moments drôles sur un monde en train de disparaître. La photographie est superbe : alternance de plans d'ensemble et de plans moyens, paysages ruraux familiers aux fidèles du western, traversée des infinités neigeuses, d'un univers rude et indompté. .. Frears ne tombe jamais dans le piège de la "photo carte postale". On ne peut qu'admirer cette reconstitution remarquable d'un monde et d'un genre qui ont pratiquement disparu.
Le jour de son mariage avec Séverine (M. Seigner), Antoine (V. Lindon) tombe amoureux de sa belle-mère. On le comprend, puisque que la belle maman en question est interprétée par Catherine Deneuve. Quand Antoine débarque avec son épouse sur une île des Antilles pour y fêter l'anniversaire de Nicou, la grand-mère (Line Renaud très savoureuse en lesbienne fumant le cigare et assénant des plaisanteries graveleuses ; accompagnée de sa maîtresse, Stéphane Audran, qui souffre d'Alzheimer mais n'oublie jamais de s'agripper à son aumônière bourrée de billets de banque...), Antoine trouve une astuce pour planter sa légitime et passer quelques jours en tête-à-tête avec sa belle maman... Gabriel Aghion confirme, après PEDALE DOUCE, sa tendresse pour les personnages hors normes. Et son sens du rythme et du dialogue dans cette comédie où toutes les déviations sont sympathiques, parce que rigolotes et attachantes.
Alors que les Noirs militent pour leur émancipation dans l'Alabama de 1965, Tante Lucille (M. Griffith) se révolte contre un brutal époux, le décapite et part pour Hollywood avec la tête dans un carton à chapeaux. Le film raconte, par la voix d'un jeune garçon du nom de Peejoe, la double rébellion d'une jeune femme excentrique et très glamour, décidée à devenir une star, et du peuple noir revendiquant sa liberté (le second récit est centré sur le meurtre d'un adolescent noir par un shérif raciste du Sud profond, meurtre dont Peejoe a été témoin). Adapté d'un roman homonyme de Robert Plunkett, le film rend hommage aux principaux genres du cinéma classique américain en nous baladant constamment entre le rêve et le cauchemar américains ! Un premier film original, bourré d'humour et de tendresse, véritable déclaration d'amour du bel Antonio à Mélanie Griffith, sa superbe héroïne, et compagne dans la vie.
Qu'est-ce qui vous tente le plus ? La réalité ? Depuis le 1er mars 2000, RTL 2 diffuse BIG BROTHER, une émission dans laquelle dix personnes qui ne se connaissaient pas ont accepté de vivre ensemble pendant 14 semaines dans des baraques de chantier, d'être complètement coupées du monde extérieur, d'assurer leur subsistance et d'être filmées 24 heures sur 24, partout sauf aux toilettes. Chaque soir, un résumé de leur journée est diffusé entre 20h. et 21h. sur RTL 2, et vous pouvez les espionner en direct sur Internet. Chaque semaine, les téléspectateurs votent pour décider qui doit partir, et celui (ou celle) qui restera en dernier touchera 250'000 marks. Voyeurs, à vos marques! Vous avez quelque gêne ? Vous ne pouvez capter RTL 2 ? Vous n'avez pas Internet ? Qu'à cela ne tienne, venez voir ED-TV! Le héros de ED-TV, Ed (M. McConaughey) est un brave quidam qui a signé un contrat avec une productrice de TV, acceptant d'être filmé en permanence. Il devient ainsi la coqueluche des téléspectateurs, et la chose consentante et complaisante des médias ... Ron Howard lève habilement certains voiles et expose les dessous des jeux télévisés qui provoquent chez les candidats un exhibitionnisme aux effets pervers . Mais nous sommes au cinéma, et c'est Ron Howard qui signe le film : c'est plus drôle que tragique, et c'est certes bien moins pénible que, par exemple, les confessions en direct diffusées lors de l'affaire Lewinsky. S'il fallait encore une preuve que la réalité dépasse bien souvent la fiction....
Suzanne Déglon