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La maison de maître appelée « l’Eglantine » est édifiée en 1857 pour Auguste Borel (1823-1902). Cette demeure, probablement construite par Louis Wenger, architecte de l’Hermitage à Lausanne, est une des plus grandes maisons de l’ouest morgien. Les héritiers, l’hoirie Borel, demeurent à « l’Eglantine » jusqu’en 1946. Ils furent les premiers à avoir l’électricité dans la région (fournie par une génératrice, puis par le réseau). Henri Borel (1887-1934) s’était enrichi à Paris comme ingénieur. A la fin de sa vie sa femme handicapée commande un ascenseur hydraulique, grande nouveauté pour l’époque. La fille d’Henri, Delphine Borel, vend le 10 juillet 1946 la demeure à Robert Richard, propriétaire de l’entreprise « Richard Montre et Bijoux SA ». Suite au décès de Robert, sa veuve vend la maison à Bernard Nicod en 1979. Enfin, Charles Bercher en devient l’actuel propriétaire depuis le 13 juin 2000.
Chacun apporta une touche supplémentaire à cette maison et aux bâtiments annexes. L’ingénieur Henri Borel dessine les plans de l’agrandissement de 1913 avec l’ajout de l’aile est. A l’époque des Richard, le mobilier était de style Chippendale.
Gil Richard (le petit-fils de Robert) se rappelle les Noëls organisés par l’entreprise qui employait plus de 50 personnes à Morges. Robert Richard avait coutume d’offrir repas et cadeaux à ses employés, à leurs enfants et même aux enfants de Chigny. On dressait à cette occasion un majestueux sapin dans le salon et de grandes festivités y étaient organisées. Après les dégâts occasionnés par Bernard Nicod, Charles Bercher redonne une touche intime à l’intérieur de la maison, refait le toit en ardoise, les façades, les moulures et restaure les parquets.
Ses intérieurs sont magnifiques, mais le parc avec ses arbres centenaires est grandiose! Des arbres d’essences variées encadrent de part et d’autre la demeure. Au printemps, le propriétaire plante chaque année des centaines de fleurs pour embellir le parc agrémenté de plusieurs fontaines. L’environnement de cette grande et belle maison va malheureusement subir des changements drastiques puisque la commune, qui a échangé les terrains au sud de l’Eglantine contre ceux du nord de La Prairie, prévoit de construire des immeubles devant la maison de maître, obstruant ainsi sa perspective.
L’entrée de la maison se découvre après une longue allée en arc de cercle. Le front principal du bâtiment au toit à croupe comprend cinq ouvertures sur deux niveaux. Les trois centrales sont resserrées afin de souligner la porte principale au large encadrement et linteau cintré. L’aile est comprend une paire de portes-fenêtres au rez-de-chaussée et une paire de fenêtres à l’étage. Son toit à la Mansart s’habille d’une lucarne à œil-de-bœuf ovale.
La façade sud, toujours à cinq ouvertures, comporte des portes-fenêtres de plain-pied et des fenêtres à la française pour l’étage surmontées de linteaux cintrés frappés de cartouches (têtes de Gorgones7).
La partie centrale est proéminente avec ses trois facettes. Sur la droite, l’aile mansardée s’ouvre en véranda sur le jardin ; son toit saillant devient le balcon du premier niveau.
Le tambour de l’entrée s’ouvre sur un vestibule transversal dont l’éclairage parvenait à l’origine depuis une verrière par une ouverture oblongue dans le palier de l’étage. L’escalier à deux volées droites et le palier intermédiaire semi-circulaire suivent la forme arrondie du mur.
La salle à manger et les deux salons donnent sur le sud. Le salon-fumoir occupe l’angle nord-ouest.
Le salon central en saillie sur la face lac possède de beaux parquets à losanges en chêne, noyer et orme. Une étonnante cheminée de salon est placée dans l’allège de la fenêtre centrale. On retrouve cette curiosité aux salons d’angles sud-ouest et nord-ouest. Les sols du salon d’angle sud-ouest sont composés de panneaux à quatre damiers dans des frises à l’équerre avec filets.Dans la salle à manger et le salon-fumoir, des parquets en chêne sont plus communs. Prises entre l’entrée et l’aile est, une salle d’eau, puis l’ancienne cuisine qui devient la lingerie après l’agrandissement. Cette aile est comprend la nouvelle cuisine, des celliers et l’office contigu à la salle à manger. Un escalier central à marches dansantes relie le premier étage et les combles où logeait le personnel.
Le premier étage reprend la même disposition avec un groupe sanitaire flanqué contre le mur de l’escalier principal et un autre dans l’aile.
Souvenirs du fermier de L'Eglantine
Auprès de l’ancien fermier, Monsieur Jean-Pierre Jaquet, nous avons recueilli quelques informations sur le domaine.
Du temps de l’hoirie Borel, un important personnel : chef jardinier, aide-jardinier, bouvier, valets, cocher, cuisinières, femmes de chambre, vaquait aux travaux ménagers et jardiniers. D’entente avec un régisseur, M. Chappuis, officier de cavalerie, l’hoirie décide de nommer un fermier pour surveiller le personnel et bénéficier de vraies compétences agricoles.
Robert Jaquet, dragon à l’armée, connu du régisseur, est engagé. Son fils, Jean-Pierre, naît en 1931 à L’Eglantine et y travaillera dès son enfance. Il reprend le fermage de 1955 à 1996. Leurs premiers travaux ont consisté à rendre cultivables de nombreuses parcelles attenantes à la propriété et de maîtriser l’écoulement de la source.
Actuellement, il y a encore huit fontaines dans le parc. La construction d’une rampe pour accéder à l’étage du rural date de 1929. Elle facilite largement l’engrangement des récoltes. Durant l’époque Borel, les arbres fruitiers dont le tronc était marqué de rouge désignaient les récoltes destinées aux maîtres !Le propriétaire suivant, Robert Richard, abolit cette pratique.
Avec lui, les relations entre propriétaire et fermiers sont agréables, humaines et compréhensives. Le cheptel de la ferme comprend sept vaches, trois génisses, un cheval, deux porcs et de la volaille. Pendant la Seconde Guerre mondiale, deux vaches sont attelées avec le cheval pour les travaux de labourage, puis seul le cheval, guidé par Jean-Pierre, herse et sème. Le marchand de bestiaux René Geissmann, qui fournit en chevaux l’armée, laisse « généreusement » un pensionnaire à L’Eglantine avec l’autorisation de l’utiliser ! Mobilisé durant la deuxième guerre mondiale, Jean-Pierre est remplacé par un ouvrier agricole, Gottfried Moser, jeune Suisse-Allemand secondant le père Jaquet. On cultive la vigne dont le vin est élaboré dans les caves de la propriété, le blé, l’orge, l’avoine, les pommes de terre, les betteraves, le trèfle et les cultures dérobées. Ces dernières pallient partiellement à la petitesse du domaine cultivable. Pour la tradition de Noël, Jean-Pierre Jaquet, aidé du jardinier, montent jusqu’aux bois de Fermens (Apples) avec le char et le cheval pour couper les deux sapins destinés à L’Eglantine et à l’usine Richard.Jean-Pierre Jaquet, poète à ses heures, propose encore quelques informations joliment commentées :
« La vigne de treize quarterons était
Soignée par les mains de la maison.
Le raisin était pressé à la ferme.
Le moût était encavé sous la maison
De maître et soigné par le tonnelier
Ziegler de Morges. Le vin était
Livré « au Brigadier » au buffet de la gare.
Les fruits du verger récoltés et soignés
Par de petites mains étaient acheminés
Par la fermière sur le marché de la
Grand-Rue de Morges.
Les œufs du poulailler étaient fournis
À l’épicerie Meylan, rue de la Gare.
Le lait du troupeau était fourni
Au propriétaire, au jardinier à M. de Goumoëns
Des Vaugettes, puis à La Prairie, puis
Boille au dos et à vélo, arrivait
aux Laiteries Réunies de Morges ».
Extrait du livre "Les belles maisons de Morges" Caroline Dey
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